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U LEVITU et le Destin Commun

U LEVITU et le Destin Commun

 

Il faut, pour que la pâte lève, le bon levain, u levitu, en quantité juste et mis au bon moment. Il faut aussi, quand le ferment a accompli son effet, prélever avant la cuisson une partie, la conserver avec précaution, pour demain l’introduire dans de la pâte nouvelle qui, à son tour, lèvera, produisant ainsi, jour après jour, chaque fois différent mais toujours reconnu, notre pain quotidien.

Ainsi en est-il de l’identité comme levain  d’un  destin commun.

 

L’identité insulaire et l’attachement qu’elle inspire sont des constantes de l’être corse. Elles représentent un atout et doivent, à ce titre, inspirer la discussion et l’élaboration du contenu de la notion de «communauté de destin », telle que depuis maintenant de longues années elle a été maintes et maintes fois formulée. . Dans la mesure où elle ancre le sentiment d’exister dans un temps et un espace qui excède les limites biographiques, l’identité collective renforce et élargit la conscience de l’existence individuelle. Mais la diversité interne de l’identité corse est, dans le même temps, apprentissage de l’ouverture, l’histoire nous l’apprend et la géographie aussi..

 

Au cours des cinquante dernières années, la population de la Corse a doublé. Au cours des cinquante années précédentes, elle avait fondu de plus de la moitié. Que sont devenus ceux qui sont partis ? Que font ceux qui sont restés ? Et que vont devenir ceux qui sont arrivés et qui arrivent encore ?

 

C’est là qu’il faut alors donner au destin un autre sens que celui d’une fatalité qui s’impose à certains, profite ou nuit à d’autres. Il faut lui donner, à ce destin, la forme d’une volonté, d’un choix et d’un dessein commun. Ce dessein commun passe par un double processus d’héritage et d’adoption, sans pour autant que l’un ou l’autre ne soit total. Il passe aussi par des refus, comme par des mutations et des innovations. De la part de celui qui n’est pas parti, comme de la part de celui qui arrivé. Et de toute façon par des échanges. De même que c’est avec la pâte d’aujourd’hui que l’on fera le pain de demain,  c’est avec la population insulaire d’aujourd’hui que l’on fera le peuple corse de demain.

 

Un monde nouveau se pétrit sous nos yeux, en Corse comme ailleurs; partout de nouveaux froments se mêlent aux anciens, partout le levain agit dans la société des humains : Il faut prendre conscience de cette chance pour pouvoir chanter un jour le visage de la paix célébré par Eluard :

Nous avons inventé autrui

Comme autrui nous a inventé

Nous avions besoin l’un de l’autre.

Oui, nous avions besoin l’un de l’autre pour comprendre et admettre que l’on ne naît pas corse, mais qu’on le devient.

 

Texte adopté à l’unanimité au CPR du 15 octobre 2016 Corti