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Politique de Vaccination

POLITIQUE DE VACCINATION

Etienne Tête
Le 24-juil.-17

Le vaccin constitue un médicament particulier à plusieurs titres.

Un médicament préventif, qui s’adresse en conséquence à des personnes le plus souvent jeunes et en bonne santé auxquelles il fait courir, pour un bénéfice éventuel et différé, un risque immédiat.
Le vaccin peut ensuite être défini comme un médicament « solidaire » ou d'intérêt collectif, dans la mesure où il entraîne un bénéfice sur la santé de l’entourage des personnes vaccinées.
Le vaccin présente enfin une dimension fortement politique lorsqu’une obligation vaccinale est définie par la puissance publique. L'obligation de soins n'existe qu'en matière de vaccination, il en est de même pour les déclarations obligatoires de certaines maladies infectieuses.

Les choix sont souvent plus politiques que médicaux. En 2016, 33 maladies sont à déclaration obligatoire (MDO). Parmi elles, 31 sont des maladies infectieuses et 2 sont non-infectieuses (mésothéliomes, et saturnisme chez les enfants mineurs).
Par exemple, la syphilis dont la déclaration obligatoire était prévue depuis 1942, ne fait plus partie de cette liste depuis l'année 2000, principalement, pour éviter le débat, au combien sensible, sur la déclaration obligatoire ou non du HIV.
En termes plus abrégés, le débat sur la vaccination pourrait se résumer : si un Etat oblige sa population à être vacciné, combien de morts par an par les effets directs ou indirects de la vaccination ? En l'absence de vaccination obligatoire dans le même pays, combien de morts spécifiques à cette absence d'obligation, contenu d'une part des échecs de la vaccination et d'autre part des personnes vaccinées volontairement ?
La question est simple, la réponse ne l'est pas. Elle diffère d'un vaccin à l'autre, le recul en termes d'épidémiologie est insuffisant.
Pour recentrer le débat d'actualité, il faut répondre à l'interrogation politique suivante : la France doit-elle passer de 3 vaccins obligatoires à 11 vaccins obligatoires ?
Il ne s'agit ni des vaccinations facultatives ou conseillées, ni des vaccinations sur un public particulièrement fragile et exposé (la grippe pour les personnes âgées) ; ni de la vaccination prophylactique au moment d'un incident (la rage, voire le tétanos…). À chaque stratégie vaccinale, il y a une réponse médicale et politique. Elles sont nécessairement dissemblables.
Cette discussion se livre dans un contexte particulier.

Depuis de nombreuses années, la demande de disposer d'un vaccin DTP (vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite) sans adjuvant à base de sels d'aluminium et sans formaldéhyde pour satisfaire aux seules obligations vaccinales des enfants est une question récurrente de certains parents et d'associations auprès des autorités de santé.
Cette sollicitation politique a fait l'objet d'un contentieux. Des requérants ont saisi le ministre pour obtenir un vaccin DTP que ne voulait pas fabriquer les laboratoires, afin que le ministre impose cette production. À la suite du refus du ministre de la Santé, le Conseil d'État a été saisi.
Le Conseil d'État a pris la décision suivante (Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 08/02/2017, 397151, Publié au recueil Lebon) :
« Article 1er : La décision du 12 février 2016 du ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes est annulée en tant qu'elle rejette la demande de M. B...et des autres requérants en ce qu'elle tend à ce que soient prises les mesures permettant de rendre disponibles des vaccins correspondants aux seules obligations de vaccination prévues aux articles L. 3111-2 et L. 3111-3 du code de la santé publique.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires sociales et de la santé, en l'état de la législation, de prendre des mesures ou de saisir les autorités compétentes en vue de l'adoption de mesures destinées à permettre la disponibilité de vaccins correspondant aux seules obligations de vaccination prévues aux articles L. 3111-2 et L. 3111-3 du code de la santé publique, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision. »
Pour répondre à cette décision du Conseil d'État, deux solutions :
- Imposer au laboratoire la production du vaccin aux trois germes (vaccin DTP).
- Modifier la législation pour rendre obligatoires les 4, 5 ou 6 virus, les plus communément disponibles sur le marché.
Le Conseil d'État avait précisé : « Il ressort également des pièces du dossier que les vaccins tétravalents et pentavalents, comportant, outre les trois vaccinations obligatoires, pour les premiers, celle contre la coqueluche et, pour les seconds, celles contre la coqueluche et l'haemophilus, connaissent des tensions d'approvisionnement ayant conduit à restreindre leur distribution. Le vaccin permettant de satisfaire aux obligations vaccinales des enfants de moins de dix-huit mois qui peut être le plus aisément trouvé est un vaccin hexavalent qui comporte, outre les vaccinations obligatoires, celles contre la coqueluche, l'haemophilus et l'hépatite B. »

Ainsi, le passage de 3 à 11 vaccins obligatoires ne provient pas d'une étude scientifique démontrant la pertinence de ce choix de santé publique, mais de la mise en œuvre d'un contentieux et de l'obligation d'y répondre.
Par ailleurs, la réponse avec une vaccination obligatoire à 11 germes est manifestement démesurée par rapport la réalité du marché et des vaccins disponibles.

Classiquement, et la communication gouvernementale le souligne, il faudrait prendre modèle sur les autres pays. Évidemment, là encore les comparaisons sont extrêmement complexes car chaque pays a sa politique de santé publique.
Il est possible de se faire référer à l'étude « Mandatory and recommended vaccination in the EU, Iceland and Norway: results of the VENICE 2010 survey on the ways of implementing national vaccination programmes ». (Publié en mai 2012).
29 pays étudiés : Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, République Tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Espagne, Suède et Royaume-Uni.
17 Pathologies infectieuses étudiées : Diphtérie, Haemophilus influenzae type B, Hépatite A, Hépatite B, Papillomavirus humain, Influenza, Maladie invasive causée par Neisseria meningitides groupe C, Maladie pneumococcique invasive, Rougeole-oreillons-rubéole (ensemble), Pertussis, Polio, Rotavirus, Tétanos, Tuberculose (avec Bacillus Calmette-Guérin) et Varicelle.
Les choix politiques des pays ont été classifiés en six familles : A: absence de recommandation, MA: obligatoire pour tous; MR: obligatoire pour les personnes à risque; R: recommandé; RA: recommandé pour tous; RR: recommandé pour les personnes à risque.
Dans le cas d'espèce, la comparaison entre pays peut être établie à partir de la classification « obligatoire pour tous ».
La différence ne peut pas été établie pour l'ensemble « Rougeole-oreillons-rubéole », qui compte pour une obligation dans les chiffres qui suivent, c'est-à-dire sur « 15 pathologies infectieuses étudiées ».
Il résulte de cette étude que sur 29 pays, 16, soit un peu plus de 50 % n'ont aucune vaccination obligatoire.
La moyenne de vaccins obligatoires sur les 15 autres pays est de 5.
Les germes choisis par les pays sont extrêmement contrastés. Le virus qui fait le plus consensus est la polio pour 12 pays, dont la France.
Le tétanos et la Diphtérie pour 8 pays, dont la France
Rougeole-oreillons-rubéole pour 8 pays, dont la France.
Le nombre de vaccins par pays est faible, seule la Lettonie a 11 vaccins obligatoires, dont Rougeole-oreillons-rubéole, ensuite la Slovaquie a 8 vaccins obligatoires, dont Rougeole-oreillons-rubéole.
L'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, l'Espagne, la Suède et le Royaume-Uni, n'ont aucune obligation alors que ce sont de grands pays, peuplés et/ou riches.

Par exemple la prévalence de l'antigène HBs, n'est pas plus importante en France qu'en Allemagne. Il en est de même pour la poliomyélite qui est considérée comme éradiquée en Europe.

CONCLUSIONS :

- Il résulte de l'ensemble de ces données qu'il n'existe aucune preuve de l'intérêt collectif de l'obligation vaccinale à 11 germes. La modification législative ne trouve son origine que dans la réponse, démesurée, à un contentieux devant le Conseil d'État. Cette réponse disproportionnée s'avère nécessairement le fruit des laboratoires pharmaceutiques pour augmenter leur chiffre d'affaires.
- L'obligation vaccinale à 11 germes ferait de la France une exception en Europe, probablement internationale. La France deviendrait comparable aux deux exceptions que sont la Lettonie et la Slovaquie dans l'histoire démocratique n'est pas la même

Etienne Tête
Conseiller municipal Europe Ecologie les Verts
Gynéco-obstétricien et Avocat au barreau de Lyon.