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Contribution aux états généraux de l’agriculture et de l’alimentation

Motion I : “Contribution aux États généraux de l'agriculture et de l'alimentation” (adoptée)

L’alimentation n’est pas une marchandise comme une autre, elle est constitutive de la vie même sur notre planète. Nous sommes ce que nous mangeons, et nous devons nos vies aux agriculteurs et aux agricultrices qui se consacrent à la production vivrière.
Europe Ecologie Les Verts se réjouit ainsi que la question de l’agriculture et de l’alimentation ait été placée parmi les priorités du gouvernement et fait l’objet d’un des premiers chantiers ouverts sous cette mandature. Ce travail doit être mené en lien avec nos concitoyen-ne-s, à travers un large débat démocratique sur nos modes de production et de consommation alimentaires. Les États généraux lancés cet été sont une occasion pour se saisir du débat ; et pourtant, le gouvernement semble déjà en avoir limité les effets.
D’une part car la consultation a été lancée en plein cœur de l’été, plutôt que de faire l’objet d’un large plan de mobilisation citoyenne. D’autre part, car elle aurait dû être placée sous le pilotage du Ministre de la transition écologique et solidaire, mieux à même de prendre en compte la transversalité des enjeux (du champ à l’assiette ; économiques, sociaux, environnementaux) plutôt que d’être piloté par un Ministre de l’agriculture trop proche des lobbies agro-alimentaire. Enfin car le gouvernement positionne ces États généraux comme un simple enjeu de rentabilité : selon la rationalité néo-libérale, il ne s’agit pas d’un débat politique sur notre modèle agro-alimentaire, mais d’une discussion visant à favoriser les filières françaises produisant le plus… de bénéfices. Ce qui s’observe notamment à la composition des groupes de travail, intégrant peu d’ONG mais de nombreux institutionnels ou entreprises. Aux côtés des associations, nous réclamons un troisième temps à ces États généraux, un temps de débat politique, qui s’appuiera sur la consultation aujourd’hui menée pour soulever les enjeux essentiels et aujourd’hui considérés comme secondaires de santé, d’environnement, de biodiversité, d'alimentation et d’emplois dignes pour tou-te-s.
Les écologistes ont été fers de lance pour un changement de notre modèle alimentaire. A travers les combats de José Bové, qui a rappelé le lien entre malbouffe, multinationales et respect du travail des agriculteurs en France et dans le monde, ainsi que la nécessité d’une politique européenne ambitieuse. À travers les initiatives parlementaires de Brigitte Allain, défendant des systèmes alimentaires locaux basés sur les circuits courts et la solidarité entre les territoires (Projets Alimentaires De Territoires, mis en place notamment par les Conseillers régionaux écologistes), ainsi que plus de bio dans les cantines scolaires ou de Joël Labbé, qui a porté sa lutte contre les pesticides au niveau européen après l’avoir appliqué dans sa ville. Et ce ne sont là que quelques exemples, tant élu-e-s locaux et militant.e.s écologistes se sont impliqué-e-s pour construire de nouvelles filières, lutter contre le gaspillage alimentaire, soutenir la transition agricole, promouvoir de nouvelles formes de commerce…
Europe Ecologie Les Verts tient ainsi à réaffirmer ses propositions et priorités, dans le cadre du débat en cours, sur fond de nouveaux scandales, comme celui du fipronil montrant l’urgence de l’action, et de reculs gouvernementaux, comme sur la définition des perturbateurs endocriniens, qui montrent également l’urgence d’agir au sein de l’Union européenne.
Les enjeux sont de taille, car il nous faut changer profondément notre système agro-alimentaire, construit sur des enjeux passés. Au sortir de la guerre, la politique alimentaire s’est ainsi construite sur la nécessité de nourrir notre pays et la planète, c’était la prétendue « révolution verte ». Mais aujourd’hui, nous produisons assez de nourriture pour tou-te-s alors qu’un milliard de personnes
souffre encore de la faim, nous jetons nos surplus, appauvrissons nos sols et celles et ceux qui le cultivent, contribuons au réchauffement climatique et donnons à nos enfants de la nourriture contaminée. Nous devons construire le modèle agricole du 21e siècle, un modèle bâti sur le respect des êtres et de la nature.
C’est possible : le scénario Afterres2050 </afterres2050.solagro.org> en fait la démonstration, en misant sur une agriculture relocalisée, de qualité, protégeant les ressources et la santé et créant jusque 140 000 emplois dignes supplémentaires.
Nous formulons ici cinq priorités majeures en tant que contribution au débat en cours, et tenant compte de : • la haute contribution de l’agriculture aux émissions de gaz à effet de serre, notamment du méthane – elle est responsable de 20 % des émissions françaises de gaz à effet de serre ; • du coût des pollutions induites par notre système alimentaire : le traitement nécessaire pour gérer les excédents d'élevage c'est à dire eutrophisation des milieux, les algues vertes ou les pollutions aquatiques (nitrates et pesticides) s’élève seul à 54 milliards d’euros par an ; • la grave crise économique et sociale du secteur : en 2015, un tiers des agriculteurs vit avec moins de 350 euros par mois et en 2016, un agriculteur se suicide tous les deux jours (taux supérieur de 20 % à la moyenne nationale) ; • la crise mondiale de préservation et de répartition des ressources – ainsi, un milliard de personnes souffre de la faim dans le monde quand un milliard est en suralimentation, les forêts et terres sont mangées par la substitution de la production agricole pour l'humain vers la production énergétique ou à destination de l'animal, etc.

Nos cinq priorités:

Nous sommes ce que nous mangeons. Voilà pourquoi, aux côtés des plus de 1 300 000 citoyen.ne.s européen.ne.s ayant signé l’initiative citoyenne européenne pour l’interdiction du glyphosate, nous posons comme première priorité l’interdiction des pesticides. Aujourd’hui, 80 % de la charge en perturbateurs endocriniens provient de notre alimentation, et 100 % des bébés y sont exposés. Quant aux agriculteurs-trices, ils et elles subissent très directement la charge sanitaire des pesticides responsable de cancers ou de maladies de Parkinson. La nourriture ultra-transformée produite par l’industrie agro-alimentaire est elle aussi cause de carences et maladies diverses, tout comme l’huile de palme : une loi de santé environnementale devra venir ponctuer les États généraux et prévenir les nombreuses atteintes à la santé.
Les humains ne sont pas les seules victimes des pesticides. En France, 72 % de la production agricole pour l’alimentation humaine est tributaire de la pollinisation. Pour le dire autrement, une communauté de destin lie les abeilles aux humains. Pourtant ces précieux insectes disparaissent à grande vitesse en raison notamment de la destruction des habitats naturels (réduction de la diversité florale, monoculture à grande échelle…), de l’utilisation d’intrants chimiques ou encore de l’apparition d’espèces invasives comme le frelon asiatique. La bonne santé des insectes pollinisateurs (et non uniquement des abeilles domestiques, qui assurent certes 50% de la pollinisation, mais aussi des milliers autres espèces sauvages) est une priorité politique qui doit être au cœur des débats des État généraux de l’alimentation.
Notre seconde priorité porte sur le nécessaire soutien à l’agriculture biologique. Pour un nombre encore trop grand de nos concitoyen-ne-s : “le bio, c’est cher et c’est un truc de bobo”. Production comme consommation de bio ont pourtant explosé pendant l’année 2016, aidés par la transition progressive de la restauration collective et l’appétence des consommateurs-trices. Les écologistes dénoncent les sur-marges réalisées par la grande distribution sur le bio, démontrées par la récente étude de l’UFC Que Choisir. Accroître à 50 puis à 100 % la part de bio dans la restauration collective, notamment les cantines et établissements de santé, réduire les marges de la grande distribution et faciliter l’accès aux aliments biologiques constituent des chantiers essentiels pour permettre à tou-te-s et sans discrimination l’accès à une alimentation de qualité.
Pour soutenir l’agriculture biologique et le déploiement de l’agro-écologie, il s’agira également de prendre en main la question des aides et du foncier. La PAC doit être mise au service du déploiement du bio et les fonds transférés, en France comme au sein de l’Union européenne. Plus de 10 milliards d’euros distribués chaque année en France. Cela représente une contribution de 150 € par habitant, soit une force considérable pour accompagner la transition agricole. En parallèle, la question foncière a depuis 20 ans été traitée par de nombreux textes de loi et la dernière, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt n’a pas été à la hauteur des attentes. Une grande loi foncière est ainsi nécessaire, redirigeant l’action des SAFER vers l’installation et l’agrandissement dans le bio et la production à destination locale. Enfin, les fonds investis dans la recherche, le développement et l’enseignement devront être réorientés vers les techniques agricoles biologiques.
Une troisième priorité porte sur la protection des espèces animales et des animaux. Alors que la perte de nature et les dégâts causés aux écosystèmes sont pour la plupart irréversibles, nous vivons la sixième grande crise d’extinction des espèces. Les populations de vertébrés ont par exemple chuté de 58 % entre 1970 et 2012. Les causes de cette évolution sont connues : la dégradation des habitats sous l’effet conjugué de l’agriculture, de l’exploitation forestière, de l’urbanisation, de la surexploitation des espèces (chasse, pêche, braconnage), de la pollution… La nature rend pourtant gratuitement un nombre considérable de services : pollinisation, épuration, paysages, protection contre de nombreux risques... 40 % de l’économie mondiale repose sur ces services et 60 % d’entre eux sont en déclin. La France possède un « capital naturel » exceptionnel, notamment en outre-mer. Cependant, elle est au huitième rang des pays abritant le plus grand nombre d’espèces mondialement menacées.
Nous sommes une espèce parmi d'autres. Notre existence, l'air que nous respirons, ce que nous mangeons, l'eau que nous buvons, notre santé, dépendent de la richesse et de la santé des écosystèmes dans lesquels nous évoluons. Notre sort est lié à celui de toutes les espèces vivantes. Nous soutenons ainsi la fin des méga fermes et de l’élevage industriel intensif, la limitation des temps de transport et l’application des mesures préconisées par la commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux. Également bonne pour le climat, l’alimentation végétarienne doit être promue de manière proactive par l’État, et favorisée au sein de la restauration collective.
Enfin, il conviendra de réguler la pêche au niveau mondial afin de préserver les stocks et espèces de poissons : fin des exonérations pour la pêche industrielle, interdiction des techniques de pêche soit disant modernes mais entraînant de nombreuses pertes de poissons, interdiction des pêches sur les littoraux étrangers comme du pillage des ressources halieutiques, défense des pêches artisanales.

La préservation des ressources constitue une autre priorité. En préservant la terre tout d’abord, car nos sols sont largement pollués : artificialisés au nom de l’urbanisation, mais aussi soumis aux pesticides, monocultures ou aux déchets industriels (340 000 usines ont laissé derrière elles des sols pollués pour lesquels nous ne disposons pas toujours de solutions). Aux côtés de 400 organisations de la société civile, nous appelons à signer l’initiative citoyenne européenne « Appel des sols » <www.fne.asso.fr/node/250942> et demandons une loi dédiée à ce sujet en France à la fin des États généraux. Nous rappelons également a nécessité d’atteindre l’objectif de 4 pour 1000, visant à favoriser le stockage naturel du carbone dans les sols pour atteindre 4 pour 1000 ou 0,4 % de stockage net par an en moyenne sur l’ensemble des sols. En effet, si cet objectif était atteint au niveau mondial, cela permettrait de compenser l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre actuelle.

Ce n’est pas tout : car notre système alimentaire génère un gaspillage d'au moins 30 % de la production alimentaire dans le monde. Il s’agit d’une aberration tant éthique, qu’économique, qu’écologique. Éthique d’abord. Comment accepter que 30 % de la nourriture produite se retrouve dans nos poubelles quand sur le même territoire 14 % des français (et 20 % des enfants) vivent sous le seuil de pauvreté ? Économique ensuite. Avant de finir dans nos poubelles le gaspillage alimentaire a nécessité l’exploitation de toute la chaîne de production : culture, transformation, transport, distribution. Il s’agit donc d’un réel gaspillage économique qui concoure à l'augmentation des prix alimentaires. Écologique enfin. Le gaspillage alimentaire contribue massivement à l’émission de gaz à effet de serre. S’il était un pays il serait troisième émetteur mondial derrière la Chine et les États-Unis. En outre ce modèle alimentaire impacte négativement l’agriculture de subsistance et les écosystèmes des pays du Sud à travers les APE. Pour ces raisons, il est urgent d’avoir une politique nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire incluant : la sensibilisation des acteurs de l’alimentation ; la mise en place à tous les échelons de solutions pragmatiques ; la création de nouveaux modèles économiques ; et le soutien aux structures de logistiques permettant la redistribution aux plus démuni-e-s.
Enfin, la préservation des ressources et la lutte contre le gaspillage passera aussi par une meilleure valorisation des bio déchets. Le traitement des bio déchets en France est le symbole même des dérives de notre système économique linéaire. Depuis des décennies ces déchets pourtant facilement valorisables se retrouvent enfouis ou incinérés – alors même qu’ils sont composés essentiellement d’eau – et ne remplissent plus le rôle qu’ils jouent habituellement dans la nature à savoir l’enrichissement des sols. L’obligation de valoriser les bio déchets est une proposition écologiste permettant d’une part de créer un compost de qualité et d’autre part de fabriquer du biocarburant. Ils représentent aujourd’hui en ville près de 22 % des déchets ménagers et leur valorisation peut être à l’origine de nouvelles filières d’activité économique et une nouvelle source d’énergie utilisable localement. Les écologistes soutiennent la mixité des valorisations à savoir le compostage industriel et la méthanisation des bio-déchets, ainsi que l’interdiction du tri mécano-biologique. Pour les villes et afin de créer de nouvelles relations villes campagne, les écologistes prônent un taux de bio déchets compostés par rapport à la méthanisation d’au minimum 30 %.

Notre dernière priorité englobe les précédentes et repose sur l’élaboration de nouveaux modèles économiques pour notre système agro-alimentaire. Le nombre d’actifs dans l’agriculture est passé de 957 000 à 2000 à 716 000 en 2015 tandis que la grande distribution fait disparaître de nombreux petits commerces et donc d’emplois, notamment dans les centres villes. Or, la relocalisation de notre modèle alimentaire est possible : en déployant les systèmes alimentaires territoriaux et en aidant à la structuration des circuits courts dans chaque bassin de vie, en imposant aux intermédiaires de favoriser production et consommation locales et en les accompagnant – ce qui signifie de modifier la loi de modernisation économique, en soutenant les modèles économiques issus de l’économie sociale et solidaire ou encore en interdisant les centres commerciaux en abords des villes. La politique agricole devra être régionalisée afin de coller au mieux aux réalités des territoires et du vécu. La traçabilité devra être améliorée aux niveaux français, européens voire mondial avec le refus de tout traité commercial qui ne soit pas basé sur de hautes normes environnementales et sanitaires, la fin de l'accaparement des terres et la souveraineté alimentaire.

Les propositions des écologistes pour l’agriculture et l’alimentation ont été réunies au sein du projet « Vivre mieux » et forment en elles-mêmes un nouveau projet de société.